L'Héritière
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Drame contemporain
1 h 15
Synopsis
Josette aborde Clémentine dans un jardin public. Une conversation s'engage. Elles parlent de leur vie, de leur jeunesse, de leurs amours. Elles se racontent et vont bientôt être embarquées dans une aventure périlleuse qui va les emmener dans une contrée hostile, où les masquent tombent, arrachés, où le corps et les sentiments sont mis à nus, où la vérité éclate. Une lutte sans merci pour le pouvoir; l'argent et l'amour, va opposer les deux femmes. Quelle en sera l'issue? Qui sera l'héritière?
L’HERITIERE
- Josette : Une femme au foyer. Milieu ouvrier. La soixantaine. Habillée en jean, pull, baskets.
Décor : Un banc qui peut se séparer en deux fauteuils et qui peut se déplier pour faire un lit.
Décor :
Un banc dans un jardin public .En été. Quartier bourgeois de Paris. Clémentine est déjà assise. Josette arrive et s’assoit familièrement à côté de Clémentine.
Josette.- Bonjour, fait pas chaud aujourd’hui ! On ne se croirait pas en été. Si ça ne tenait qu’à moi, je serais bien restée pénarde au lit. Mais, vous savez ce que c’est : « Les enfants, y débarquent à l’improviste et vous collent les mômes dans les jambes et avant d’avoir eu le temps de dire ouf, y sont déjà repartis ! Je suis obligée de les sortir, sinon, y cassent tout.
Clémentine.- Très guindée. Moi, mon fils me demande toujours si cela ne me dérange pas de garder quelques heures Alexandre et Marc-Olivier. Je l’ai bien élevé.
Josette.- Bien élevé ! Il met les formes, c’est tout. Parce qu’au bout du compte, vous vous gelez le cul comme moi sur ce banc pourri. D’ailleurs, je sens que je suis en train de mouiller ma culotte à travers mon jean. Pas vous ?
Clémentine.- Non, le côté où je suis assise est sec.
Josette.- Voilà, la grande différence entre nous, ce n’est pas la façon d’élever les enfants, non, c’est la capacité à savoir s’asseoir là où le banc est sec. Moi, j’en suis incapable. Faut être idiote, n’est-ce pas ? C’est une tare de naissance. J’ai toujours baignée dans l’humidité. Je ne parle pas des bains moussants, des jacuzzis, de tous ces trucs qui font du bien, qui relaxent. Non, l’humidité froide du genre moisissures sur les murs, draps gelés, gerçures des mains. Douche froide et serviette mouillée. Quand on n’a pas de fric, on a de l’humidité !
Les billets de banque, ça ne supporte pas cette atmosphère. Faut qu’ils soient bien au chaud.
S’adressant à des enfants fictifs. Gaston, arrête de taper sur ton petit frère !
Clémentine.- Vous voulez que je me pousse un peu pour que vous puissiez bénéficier d’un peu de banc sec ?
Josette.- Vous rigolez ? Vous voulez vraiment que je mouille votre côté avec mon jean trempé ? Non, c’est trop tard. Tant pis pour moi. La bêtise ne se répare pas.
Clémentine.- Bon. Silence gêné.
Alexandre, Marc-Olivier ! Ne laissez pas vos vélos par terre, on va vous les voler.
Josette.- Gaston et Léon, ils sont tranquilles. Sont venus avec leurs pieds. On ne va pas leur voler ! Elle rit à gorge déployée. C’est ça l’avantage. Ils ne font envie à personne. Même leurs prénoms, paraît que c’est pas classe. C’est moi qui les ai choisis. Gaston, c’est à cause de la chanson, vous savez Elle chante en se trémoussant sur le banc.
« Gaston, y’a le téléphon qui son et y a jamais person qui y répond »
Et Léon, à l’envers çà fait Noël. C’est marrant non ! Je me suis dis, le p’tit, s’il a pas de cadeaux, au moins, il aura un prénom à deux dimensions. Léon rime avec con et Noël avec éternel. Bon, comme je me les gèle, je vais faire un peu d’exercice. A vous de parler, c’est votre tour. Elle fait des mouvements de gymnastique à coté du banc. Je vous écoute.
Clémentine.- Très guindée
Que voulez vous que je vous dise. Je ne vous connais pas.
Josette.- Je ne sais pas, ce qui vous passe par la tête.
Clémentine.- Cela ne vous regarde pas.
Josette.- Tout en faisant sa gymnastique. Vous avez raison, mais j’aime bien mettre les pieds dans les plates-bandes des autres. Comme j’ai fait le tour des miennes depuis longtemps, j’adore explorer les autres jardins, surtout les jardins secrets… Ca me plait beaucoup. C’est mon coté mal élevé. Ca n’a pas que du mauvais, c’est pratique. Je peux me permettre des choses que vous, vous n’osez pas faire car c’est interdit mais vous en mourez d’envie.
Clémentine.- Vous êtes grotesque, ridicule. Je ne veux pas vous adresser la parole.
Elle sort un livre et fait semblant de lire.
Josette.- Continue sa gymnastique en faisant des allées et venues.
Ah ! Ca fait du bien. Je sens que ma culotte commence à sécher.
Josette tout en continuant sa gym passe au second plan .La lumière éclaire Clémentine assise sur le banc.
Clémentine.- En aparté. Je ne vais quand même pas lui raconter ma vie. Quoique ce soit une inconnue, je ne la reverrai sans doute jamais. Et j’ai bien besoin d’une confidente. Mais, par quoi commencer ? Mon fils, mon mari, mon enfance …Non. Ce que j’ai fait hier d’abord. Ensuite, on verra. Hier, c’était dimanche. Je suis allée à la messe comme d’habitude. Mais, je n’ai pas communiée. Je ne pouvais pas. L’hostie serait restée dans ma gorge. Hier…Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule. Mes mains se mettent à trembler et deviennent moites. J’ai des crampes d’estomac, j’ai mal au ventre. Mon front est trempé de sueur. Hier…Mais pourquoi ai-je fais cela ? Comme on dit vulgairement « Je crois que j’ai pété les plombs. »
Josette.- De loin Par exemple, dites-moi ce que vous avez fait hier ?
Clémentine.- Hier … J’ai mangé le repas de César.
Josette.- César ?
Clémentine.- Oui ! C’est mon chat. Voilà, César a droit à du saumon frais en alternance avec un tournedos de bœuf bien saignant. Depuis des mois, je l’envie. Je le regarde avaler goulûment ce filet tout simple, cru, beau et tendre à la fois. Je n’ai jamais eu ce privilège !
Bien sûr, j’en ai eu d’autres. Mais les repas sont préparés par une cuisinière, par ailleurs excellente qui met des heures à les confectionner. Le problème, c’est que le résultat d’un tel travail ne ressemble plus en rien avec le produit brut d’origine. Je mourais d’envie de croquer à pleine dent dans le bifteck. Je l’ai mangé tout cru, à toute vitesse pour ne pas me faire surprendre. La cuisinière a cherché partout le repas du chat. On a accusé Pierre, son fils de huit ans d’avoir fait le coup. Il a été puni. Son père lui a administré dix coups de martinet alors qu’il était innocent. Bien sûr, ce n’est pas un ange, mais j’avais du mal à ne pas pleurer. Je ne pouvais quand même pas dire que j’avais mangé la pâtée du chat !
Josette.- Oh ! Alors celle là, elle est bonne.
Elle part d’un grand éclat de rire et au bout d’un moment sous les regards
courroucés de Clémentine, se calme peu à peu.
Clémentine.- Vous comprenez cela, pouvoir assouvir une pulsion que l’on sait inavouable, sortir du chemin tracé, quitter l’autoroute des certitudes pour les chemins de la connaissance. J’ai soixante cinq ans et le sentiment de n’avoir pas vécu. J’ai regardé la vie passer et j’étais à côté. Comme une petite fille qui a envie d’une friandise que son papa lui refuse et qui observe les autres enfants la manger. Tout le monde s’est mêlé de ma vie. L’école religieuse, le droit chemin, les bonnes manières, un mari avec une bonne situation. Epouse modèle, bonne mère. Une vie facile, inexistante, insignifiante, ennuyeuse.
Exaltée. J’ai mangé la viande du chat. C’était extraordinaire. C’était hier. Aujourd’hui, je digère. Demain, je vais croquer la vie, j’ai un appétit d’enfer. Fini les déjeuners imposés, les réceptions, l’hypocrisie organisée. Demain, je pars à l’aventure, sur la route de la différence, de l’écoute, de l’aspérité, de l’effort et de la création. Je ne sais pas où je vais, mais cette fois-ci, c’est moi qui marche et qui guide mes pas.
Josette.- Beau discours, bravo ! Facile à dire, partir ! On voit bien que vous ne vous êtes jamais frotté à ce qui pique. Et votre mari, vous allez le plaquer ?
Moi, Henri, il a soixante- dix ans. Ca fait quinze ans qu’il est à la retraite. Cheminot, il était. Il perd la tête depuis qu’il ne roule plus. Toutes les nuits, il rêve qu’il est dans sa locomotive. Quand il travaillait, il rêvait qu’il était en vacances et maintenant qu’il fout plus rien, il rêve de travailler. Il me fait chier, Henri. En plus, il ronfle comme un cochon. Mais si je le plaque, c’est comme si je lui envoyais une balle dans la tête. Il ne supportera pas. C’est pas que je l’aime, non, mais ça fait quarante ans que je me le coltine. Il aurait fallu partir avant. Maintenant, c’est trop tard. C’est comme pour le banc, mauvaise pioche. Et puis, le bonheur, c’est pas donné à tout le monde. C’est un don. Ca ne s’apprend pas. Moi, je suis pas douée. C’est pas pour moi. Faut se faire une raison, une fois qu’on le sait, on n’est ni heureux, ni malheureux, on nage dans l’indifférence. Partir, c’est bien joli, mais j’suis pas sûre que ça résout les problèmes.
Clémentine.- J’ai connu Charles, mon mari quand j’avais vingt ans. Mes parents avaient organisé un dîner avec les parents d’un jeune homme que l’on m’a présenté. Son père était Colonel et lui-même se destinait à une carrière militaire brillante. J’étais timide, introvertie et sans aucune idée de ce que pouvait être le mariage. Mes parents n’étaient pas très riches, des commerçants aisés mais qui aspiraient par mon intermédiaire à monter les échelons de l’échelle sociale. Ils étaient déterminés et prêts à tout pour cela. Ma beauté, immolée sur l’autel de la suffisance. Mon avis importait peu. Que Charles soit tant par le physique que par le caractère mon contraire et représente tout ce que j’ honnissais, ne pesait pas un gramme dans la négociation. Pour que je dise oui devant le curé et le maire, ils avaient préparé le terrain.
Ma mère savait par expérience, ayant eu quatre enfants, que pour tomber enceinte, il fallait le faire a une date précise. Quand elle vit le moment fatidique arriver, elle invita Charles à déjeuner.
Suivant les consignes qu’on avait eu soin de lui donner, ce dernier demanda, après le repas s’il pouvait se promener avec moi. Et c’est donc sous la bénédiction de mes parents qu’il me força un après midi ensoleillé du mois de juillet 1960. Le 3 Juillet 1960 à 15h 30, mon fils Axel a été conçu. Au retour de la promenade, j’avais tellement honte que je n’en ai parlé à personne. Mais ma mère savait et elle s’aperçut avec joie quelques semaines plus tard, que j’étais enceinte. Feignant la consternation, elle me traita de traînée. Mon père me menaça de me chasser de la maison et de me renier si je ne me mariais pas immédiatement avec Charles qui avait l’obligeance de bien vouloir me prendre pour épouse.
C’est comme cela que je devins contre mon gré la femme de Charles.
Josette.- Un jeune homme de bonne famille qui se comporte comme un goujat, ça ne présage rien de bon. Vous aviez raison de ne pas vouloir l’épouser.
Moi, je l’ai choisi mon mari. J’étais l’aînée. Derrière, deux frères, des jumeaux, et une petite sœur. Mon père, je l’ai jamais connu. Quand il a su que ma mère était enceinte, il a pris la poudre d’escampette et on ne l’a jamais revu. Y paraît que c’était quelqu’un d’important. Moi, je dis que les gens qui sont pas capables d’assumer leurs actes, ça ne vaut même pas la peine de faire attention à eux. L’orgueil est une plante maléfique qui se nourrit, grandit et puise sa force en détruisant les êtres qui lui ont permis de naître. Ma parole, on dirait que je deviens philosophe ! Rassurez vous, cette phrase ne vient pas de moi, c’est mon instituteur qui disait cela. Ma mère était un incident de parcours qu’il fallait effacer. Ne pas laisser de traces. Maman m’a élevée seule pendant cinq ans. Je me rappelle de cette période comme si c’était hier. La période la plus heureuse de ma vie. Puis, elle a trouvé un mari avec qui elle a eu mes frères et sœur. A partir de ce moment, ça a commencé à se gâter. Ce n’était pas mon père et il m’ignorait. Aucun câlin, aucune tendresse. Alors que pour ses enfants, c’était un papa gâteau. Les petits ont vite compris que je ne faisais pas partie du cercle familial et se sont donc comportés de la même façon avec moi. Je n’avais plus que maman. Dès que j’ai été majeur, à 21 ans, je suis partie de la maison et je me suis mariée sans faire la difficile. Maman m’avait dit qu’il fallait prendre un homme pas trop beau pour qu’il reste fidèle. Alors, j’ai choisi Henri, moyen en tout. Je n’avais pas de grosses exigences, après les années misérables que j’avais passées. Il était gentil avec moi, il me faisait des bisous et ça, c’était primordial. Quelqu’un qui me montre que j’existe, que je ne compte pas pour du beurre. Henri, c’était le nounours que je n’avais pas eu petite. Mais je me suis vite lasser de lui. Trop pantouflard. A part rester vautré devant la télé avec une bière, il ne savait pas faire grand chose. Heureusement, il m’a fait trois garçons, ça occupe. Plus les ménages que j’effectuais quand les enfants étaient à l’école, je n’avais pas le temps de m’ennuyer. Quand j’étais chez les clients, je regardais des fois à la télé un feuilleton qui passait l’après-midi. Ca s’appelait Dallas. J’adorais voir la vie de ces gens, si compliquée par rapport à la mienne. Et quand Henri me faisait l’amour, sans poésie, je fermais les yeux et j’imaginais que c’était mon héros qui était dans mes bras.
Clémentine.- Rêver n’a jamais fait de mal à personne. Je passe mon temps à rêver. Cela aide à oublier la réalité. Je déteste le présent depuis que ma sœur Estelle n’est plus là. Ah ! Estelle, c’était une forte tête. Elle ne s’est jamais mariée, mais c’était volontaire ! Estelle ne voulait pas épouser le destin de sa mère. Rester libre, c’était son cheval de bataille. Elle a commencé à militer pour le M.L.F qui prenait naissance. Les manifestations de 1971. Elle faisait partie du cortège de tête. Ma sœur était le vilain petit canard de la maison. Souvent elle me mettait en garde contre mon avenir tout tracé. Elle est morte d’un cancer de l’utérus.
Et moi, je suis toujours là. Il est faux de dire que l’on peut mourir d’ennui. On en soufre, c’est tout.
Josette.- Lutter pour la condition féminine, c’est bien. Mais ça, c’est valable quand on n’a que soi à s’occuper. Moi, avec trois mômes et un mari qui picolait un peu trop, je luttais plus pour joindre les deux bouts que pour la condition de la femme. Je vivais au jour le jour, pas au conditionnel.
Clémentine.- Vous savez, Charles a été bien puni de m’avoir joué un sale tour. Il ne m’a eu qu’une fois. Celle ou il m’a violée. Ensuite, je n’ai jamais plus accepté qu’il me touche. Et je n’ai eu qu’un enfant Axel. Mais, je n’ai pas divorcé. Je voulais gâcher sa vie et l’empêcher de se remarier. C’était ma vengeance. Partir … Cela aurait été trop simple. C’est ce qu’il voulait. M’effacer pour recommencer une vie sans tâche avec une conscience propre, lavée d’un passé peu glorieux.
Mais tous les jours, il était obligé de supporter ma présence. J’organisais des réceptions, des dîners, des après-midi champêtres et je ne manquais pas, à chaque occasion de montrer que nous étions un couple uni, inséparable. Charles ne pouvait me contredire sans passer pour un goujat. Il était réduit au silence.
Josette.- Si je comprends bien, depuis 45 ans, vous êtes dans le coma ?
Clémentine.- Souriant Je n’y avais pas pensé, mais, oui, c’est cela, le coma. Et maintenant, je me réveille. Elle baille en s’étirant. La vie commence pour moi aujourd’hui. Rien ne me retient de partir, je suis libre.
Josette.- Ah oui ? Et vous allez vivre comment ? Excusez moi de vous dire cela, mais vous n’êtes plus de la première jeunesse. Et je suis sûre que vous n’avez jamais travaillé. Le royaume d’une femme de militaire est limité aux murs de sa maison et la clef de la porte n’est pas dans sa poche. Une femme de militaire n’existe pas en tant qu’individu. Elle n’est qu’un reflet de la conscience de son mari. Et plus le reflet est flatteur, plus le mari est satisfait de sa femme.
Clémentine.- Comment le savez vous ? Comment pouvez-vous parler de choses que vous n’avez pas vécues.
Josette.- C’est ma mère qui me l’a dit. Mon père était militaire.
Clémentine.- Votre père était militaire ?
Josette.- Oui ! Un grade élevé. Colonel. Alors, maman, elle n’était pas assez bien pour lui.
Clémentine.- Vous avez raison. Nous, les femmes de militaires, nous n’existons que dans l’ombre de nos maris, c’est pourquoi je veux partir. Et Charles sera très heureux. Il ne me coupera pas les vivres. Il pourra enfin faire venir ses maîtresses à la maison. Il pourra enfin respirer. C’est exact, je ne sais rien faire. Je veux juste tourner la page, vivre, m’amuser, avoir des aventures. Je suis très excitée à cette perspective et en même temps, j’ai très peur. Il y a si longtemps que je n’ai pas eu de relation sexuelle. J’ai trompé mon mari une fois, il y a très longtemps. Je voulais voir si j’étais capable de faire l’amour après le traumatisme subit par Charles. J’ai choisi un jeune homme qui m’attirait. Cette nuit d’amour reste gravée dans ma mémoire. J’ai su par le plaisir qu’il m’a donné que mon corps n’était pas irrémédiablement mort. Je l’ai revu. Notre relation passionnelle a duré un mois et a été interrompu tragiquement. Il s’est tué dans un accident de moto. Depuis, je n’ai jamais eu d’autres aventures.
Josette.- Alors, vous ne pouvez pas imaginer les problèmes que ça pose. Moi Henri, il continue à m’asticoter. Seulement quand le corps devient vieux, c’est plus comme avant. Depuis que je suis ménopausée, je suis obligée de préparer le terrain pour faciliter les choses. C’est moins poétique. On est obligé de ruser ! Alors, si en plus, la machine est rouillée, j’vous fais pas un dessin. Enfin, je ne veux surtout pas vous décourager. A cœur vaillant, rien d’impossible.
Clémentine.- Vous ne me rassurez pas mais je ne pense pas avoir les mêmes problèmes que vous. Je prends des hormones depuis longtemps pour vieillir moins vite et depuis peu des extraits de D.H.E .A. Je m’en suis procuré sur internet. Ca vous étonne ? Mais vous savez, malgré mon age, je suis moderne !
Josette.- C’est de l’arnaque. Ca coûte la peau des fesses et ça ne fait rien.
Clémentine.- Vous en avez pris ?
Josette.- Non mais si c’était la pilule miracle, ça se saurait. Ma copine, Brigitte, elle en a pris pendant un an. Toutes ses économies y sont passées. Elle pensait que son homme la trouverait plus belle. Foutaise ! Il est parti avec une minette de vingt ans plus jeune que lui. Brigitte, elle s’est retrouvée avec ses boites entamées qui lui servaient plus à rien et un loyer qu’elle ne pouvait plus payer. Mais le propriétaire, il s’en foutait. Il voulait son fric, point barre. Alors, Brigitte, elle s’est retrouvée en foyer.
Clémentine.- Ca dépend de la personne. Elle était peut-être résistante au traitement. Où elle n’y croyait pas vraiment. Vous savez, le mental joue pour 50 %. Les traitements ne font d’effet que si l’on y croit. Et comme je crois en moi, ça va marcher.
Josette.- C’est bien ce que je dis : C’est de l’arnaque.
Clémentine.- Arnaque où pas, çà me rassure. Figurez-vous que j’ai rencontré un homme sur internet. Depuis quelques mois on parle et maintenant, on a envie de se voir. Je lui ai envoyé ma photo et j’ai eu la sienne. Qu’est-ce qu’il est séduisant ! Bien sûr, un peu plus jeune que moi et plus pauvre aussi. C’est follement excitant. On a décidé de ne pas dévoiler notre identité pour le moment. On communique par nos pseudos. C’est plus marrant. Il s’appelle « colibri75 »
Josette.- Eclate de rire. Très joli et très évocateur…
Clémentine.- Pourquoi riez-vous ? Un colibri, c’est un oiseau. Je ne vois pas ce qui est drôle !
Josette.- Justement ! C’est très imagé. Vous n’allez pas me dire que vous ne voyez pas. Je suis même sûre que c’est ce pseudo qui vous a attiré ! Vous savez mieux que moi que les colibris sont des oiseaux exotiques minuscules, munis d’un très long bec et qui butinent sans jamais se poser le pistil des fleurs. Et vous, quel est votre pseudo ? Laissez-moi deviner ... Je verrai bien « fruit de la passion » ou « passiflore », quelque chose dans ce genre là.
Clémentine.- En souriant« Fleurdesiles ».
Josette.- C’est bien ce que je disais. Vous avez choisi votre pseudo en fonction du sien.
J’espère que vous ne serez pas déçue, Fleursdesiles. Veillez à ce que votre joli colibri n’épuise pas trop vite vos réserves. Quand la source se tarit, le petit oiseau s’envole.
Clémentine.- Qui ne risque rien n’a rien. Je suis sûre que c’est quelqu’un de formidable. Il a l’air très sensible, très intelligent. J’ai rendez vous demain avec lui .Nous allons déjeuner dans un bon restaurant. Si tout se passe bien, nous échangerons nos vrais prénoms.
Josette.- Il a vu votre photo ?
Clémentine.- Oui, pourquoi ? Je ne suis pas séduisante, à votre avis ?
Josette.- Un gigolo, quoi !
Clémentine.- Appelez-le comme vous voulez. Pour moi, c’est un homme, et il va me permettre de ne pas oublier que je suis une femme. Pourvu que ça se passe bien ! J’ai tout prévu, la promenade le long de la seine, le dîner aux chandelles, la chambre d’hôtel avec un lit « keen size bed »
Josette.- Dites donc. C’est curieux. Pas de relations sexuelles pendant des années à cause d’un traumatisme psychique et d’un seul coup, vous vous transformez en midinette ? J’ai du mal à le croire. J’aurai plutôt tendance à penser que vous avez constamment trompé votre mari depuis le mariage. Pas de divorce, bien sûr pour continuer à mener grand train. Vous êtes mariés sous le régime de la séparation de biens, n’est-ce pas ? Mine consternée de Clémentine. Je vois que j’ai tapé dans le mille ! Vous pouvez toujours raconter vos histoires à qui veut bien les entendre, mais, à moi, on ne me la fait pas. Je suis très forte pour flairer les bobars.
Clémentine.- Mais, qui êtes-vous donc pour oser me parler sur ce ton ! Vous vous asseyez à coté de moi, vous m’imposez votre présence et vos élucubrations. Vous essayez de tout savoir de ma vie et je ne sais même qui vous êtes !
Josette.- Je m’appelle Josette Gasnier. J’ai eu trois fils, Victor, Bruno et Alain mon petit dernier. Deux ans d’écart entre chaque.
Mes trois garçons ont fait des études mais il n’y en a qu’un seul qui a réussit, Bruno. Il est ingénieur des Arts et métiers. Victor, lui était trop fainéant. Il s’est contenté de devenir ouvrier en Métallurgie. Quant à Alain, il manque de confiance en lui et ce n’est pas la société actuelle qui va lui en donner. C’est un rêveur. Je me rappelle le jour de ses neuf ans. Il revenait de l’école et il m’a dit : « Maman, l’attraction terrestre, c’est marrant. Si je lance mon cœur en l’air et que tu ouvre tes mains, et bien, il se posera dessus ». Ce jour-là, j’ai su que l’école n’était pas faite pour lui et j’ai ressenti une grande tendresse à son égard. L’amour qu’il me portait valait toutes les privations du monde.
Maintenant, il a trente quatre ans et n’a pas encore trouvé un boulot stable. Faut dire aussi que ce n’est pas le courage qui l’étouffe.
Clémentine.- Abrégez, je vous prie. Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails. Votre vie ne me fait pas rêver. J’aimerai juste savoir pourquoi vous pensez que je ne dis pas la vérité. Je ne vous connais pas. Quel intérêt aurais-je à vous mentir ?
Josette.- Quand on a l’habitude de mentir, on ne peut plus s’en passer. Ca devient comme une seconde nature. On ne s’en rend même plus compte. On appelle cela de la fabulation. Je sais que vous fabulez parce que les gens de votre condition le font tous. C’est un moyen de passer le temps quand on s’ennuie.
Clémentine.- Je ne vous trouve pas drôle du tout. Marc Olivier, Alexandre, venez, on s’en va.
Josette.- Retient Clémentine par la manche et la force à se rasseoir. Attendez, vous ne voulez pas savoir pourquoi je suis là, dans ce parc du XVI ème alors que c’est à l’opposé de chez moi ?
Eh bien, ce n’est pas un hasard. Je suis venue vous voir, vous, Clémentine de Montignac en personne.
Clémentine se rassoit lentement.
Clémentine.- Vous me connaissez ?
Josette.- Oui et non. J’avais une photo récente de vous. Je ne pouvais pas me tromper. Vous rappelez-vous la communion de votre petit fils Alexandre l’année dernière ?
Et bien, j’y étais ! Vous ne voyez pas ? Mais si, la serveuse blonde avec la queue de cheval. Bien sur, moi qui ai les cheveux courts, ça me change. J’avais une perruque. J’ai pu prendre pas mal de photos en douce. De quoi faire connaissance avec toute votre petite famille. Ah ! C’est pas du joli. Je ne pouvais m’empêcher de penser à mon feuilleton « Dallas ». Exactement pareil ! Des histoires sans aucune moralité. Un petit bain de temps en temps dans cette atmosphère, ça vous forge le caractère ! C’est très efficace.
Je suis venue vous voir Mme de Montignac dans ce parc car je sais que vous venez ici tous les mercredis après midi avec les enfants de votre fils, Axel. Je voulais vous voir seule. Ce que j’ai à vous dire va vous surprendre mais c’est la stricte vérité. Charles, votre mari est mon demi-frère et notre père s’appelle Armand de Montignac.
Clémentine.- Armand, votre père ! Ah oui, bien sûr, un père Colonel, je me disais aussi, c’est bizarre. Je n’en reviens pas. Lui, si droit, si rigide. A cheval sur les principes. Quand je pense qu’il m’a toujours ignorée sous prétexte que j’étais enceinte lors de mon mariage. Pas étonnant qu’il ait voulu rayer votre mère de sa vie. Une énorme tâche ! Mais les humains ne sont pas comme les choses. On a beau essayer de les faire disparaître, ils ressurgissent toujours à un moment ou à un autre. Comment avez-vous appris l’existence de Charles et retrouvé les traces de votre père ?
Josette.- Je l’ai découvert par hasard il y a quatre ans. Comme vous le savez, Armand a fait un infarctus en juin 2004 et a été hospitalisé au Val de Grâce. Croyant qu’il allait mourir, il a cherché à contacter ma mère, pris soudain d’un remords. Mais maman venait de décéder et j’ai ouvert la lettre. La voici.
Elle sort la lettre de son sac et se met à lire.
« Chère Violette
Malgré toutes ces années, malgré la guerre, je ne t’ai jamais oublié. Je suis passé à coté du bonheur en refusant de vivre à tes cotés. La guerre n’est pas une excuse, juste une blessure de plus qui ne guérit pas. J’ai été lâche. Je t’avais caché que j’étais marié quand on s’est rencontré. Maintenant que je suis vieux et que je vais mourir, je sais que la chance ne se présente qu’une fois. Si cela peut te consoler, sache que j’ai été malheureux toute ma vie et que je n’ai jamais aimé ma femme. Je lui ai fait un enfant, Charles qui ne brille ni par son intelligence ni par sa personnalité. Il ne me ressemble en rien. Je t’aime, Violette. Je désire donner à notre fille, ce qui reste en mon pouvoir, c'est-à-dire une vie plus facile. Je ne connais pas Josette et je souhaite vivement la rencontrer avant qu’il ne soit trop tard. Je n’ai malheureusement pas pu la reconnaître légalement à temps mais je peux disposer de la moitié de ma fortune à ma guise puisque je n’ai qu’un fils.
Je vous attends toutes les deux Mercredi 6 Juin à la cafétéria de l’hôpital à 17 heures. Je me balade avec mes tuyaux, vous ne pouvez pas vous tromper.
Bises
Armand de Montignac »
Josette replie la lettre et la met dans sa poche. Pendant la lecture, Clémentine est devenue de plus en plus pâle.
Josette.- Je suis allée au rendez vous à l’hôpital. On a fait connaissance. C’est un monsieur très sympathique tout compte fait. Il s’est bien remis de son attaque malgré l’émotion de me voir et la douleur d’apprendre que Maman n’était plus là. Il l’aime toujours. Depuis ce jour là, on se voit régulièrement. Il m’a raconté toute sa vie et je lui ai raconté toute la mienne.
Clémentine.- Pourquoi avez-vous pris des photos de moi ?
Josette.- Pour vous reconnaître le moment venu !
Clémentine.- Et aujourd’hui, le moment est venu ?
Josette.- C’est exact. Mon père est très malade et cette fois ci, je ne pense pas qu’il s’en sorte comme la dernière fois. J’ai galéré toute ma vie alors pas question de laisser passer ma chance. Et vous allez m’aider.
Clémentine.- Vous aider à me plumer ! Vous me prenez pour une idiote. Qu’est-ce qu’il y a, pourquoi prenez- vous cet air méprisant ? Je vois, on est en train de jouer au chat et à la souris et en l’occurrence, c’est vous le chat. Ecoutez, je ne sais pas où vous voulez en venir mais laissez moi tranquille. Mon beau père ne me supporte pas et ne me parle plus depuis que ma belle mère est décédée. Il n’a jamais accepté ce mariage non conforme à l’étiquette. J’ai toujours été rejetée, ignorée, étant considérée comme une roturière. Quantité négligeable. Je déteste cette famille depuis le jour où j’y suis entrée. Mon beau-père n’a pas voulu de votre mère. Je n’ai pas été mieux traitée. Vous et moi en fait voguons dans la même galère ! Toutes deux avons cherché la reconnaissance. Vous, sans savoir où la trouver et moi, en essayant d’être une autre. Vous êtes peut-être la fille naturelle d’Armand, mais légalement, vous n’avez aucun droit. Il ne vous a pas reconnu. Je ne vois pas en quoi mon aide peut vous être utile. Armand peut disposer à sa guise de la moitié de sa fortune.
Josette.- Justement, je vais vous expliquer. Il ne faut pas que Charles apprenne qu’il a une sœur avant la lecture du testament. Il faut qu’il soit persuadé d’hériter de toute la fortune de son père. J’ai essayé de faire signer une donation en ma faveur à mon père mais il s’y refuse. C’est idiot ! Tout serait tellement plus simple. Mais c’est un vieux monsieur qui a des principes. Nous n’aurons rien de son vivant. Si Armand apprend à Charles qu’il a une demi-sœur, je suis cuite. L’héritage va me passer sous le nez. Mon demi-frère va tout faire pour que le testament le désigne comme seul héritier.
Clémentine.- Et pourquoi me mettez-vous au courant ? J’avoue que je ne comprends rien.
Josette.- Vous n’allez pas tarder à saisir la situation. Charles est le seul fils d’Armand de Montignac. Comptant sur la fortune de son père, il a déjà mangé pas mal d’argent en jeux et paris divers. Et vous, son épouse, aggravez dangereusement la situation en entretenant vos multiples amants. Son ardoise est impressionnante. L’héritage d’Armand est donc pour lui capital. Aucun obstacle ne peut barrer sa route. Pour mon père, Charles est un incapable, il ne peut se suffire à lui-même et ne peut vivre qu’aux crochets des autres. Et ce genre d’individu, inoffensif quand tout va bien, devient redoutable et dangereux quand il se sent menacé. Vous allez faire en sorte qu’il ne se doute de rien. Vous allez lui dire que votre beau père vous a appelé et qu’il regrette de s’être comporter comme cela avec vous, qu’il compte réparer en léguant toute sa fortune à Charles pour qu’il puisse vous rendre heureuse.
Clémentine.- Pourquoi lui dirais-je cela ? Même si vous êtes ma belle sœur, vous n’êtes rien pour moi. Je ne vous aiderai pas. Ne comptez pas sur moi.
Josette.- Vous allez vous rendre au chevet de votre beau-père. Vous allez l’empêcher de parler. Bien qu’il ait promis de ne pas parler de moi, j’ai peur qu’il change d’avis. Débrouillez-vous comme vous voulez. Il suffit de peu de choses… Il est très malade. Un tuyau débranché…
Clémentine.- Vous êtes folle ! Ne comptez pas sur moi. Je vais avertir Charles de votre existence et de vos intentions. Elle va pour partir mais Josette la retient.
Josette.- Vous allez rester ici et vous allez m’aider.
Clémentine.- Désarçonnée par le ton de Josette, ne répond pas.
Josette.- Vous étiez enceinte d’Axel, n’est-ce pas quand vous vous êtes mariée avec Charles ?
Clémentine.- Faiblement. Oui.
Josette.- Parle lentement, distinctement, sûre d’elle. Votre sœur, Estelle avait commencé votre éducation. La liberté sexuelle… Quand vous avez fait la connaissance de Charles, vous n’en étiez pas au premier amoureux. Le beau jeune d’homme dont vous m’avez parlé, vous ne l’avez pas rencontré après votre mariage mais juste avant. Et vous étiez enceinte de lui quand vous avez épousé Charles. Seulement, ce jeune homme n’avait pas d’avenir. Un étudiant en littérature fauché qui était sans le sou. Il faut dire que déjà, vous étiez ambitieuse. Enceinte à vingt ans et consciente du problème. Votre sœur aurait assumé sa grossesse mais vous, vous rêviez d’une vie facile, brillante, aisée, quitte à épouser la conformité et l’hypocrisie. Vous avez fait croire à tout le monde que vous étiez enceinte de Charles. Pour cela, vous n’avez pas hésité à carrément violer Charles qui en gentleman bien élevé n’osait vous toucher. Axel n’est pas le fils de Charles. C’est le fils de Claude Monnier. Silence. C’est vrai, il s’est tué en moto quand vous lui avez annoncé que vous rompiez. Il n’a jamais su que vous étiez enceinte.
Clémentine de Montignac, je connais votre secret. Ne me demandez pas comment je le sais. Je ne vous le dirais pas.
Clémentine.- En pleurs.
Vous êtes le diable en personne. Comment est-ce possible… Je ferai tout ce que vous voudrez, mais, je vous en prie, ne dites pas à Charles qu’Axel est un enfant naturel. Paniquée Mais peut-être est-ce déjà fait ? Il est au courant, n’est-ce pas ? Non, suis-je bête, sinon, vous ne m’utiliseriez pas. Vous voulez vous débarrasser de moi. L’argent qui vous a tant manqué, vous le voulez pour vous toute seule. C’est votre revanche.
Josette.- Charles est mon frère. Je ne veux pas lui faire de mal. Apprendre qu’il a une demi-sœur est largement suffisant. Savoir qu’Axel n’est pas son fils va le rendre fou. Il divorcera aussitôt et vous vous retrouverez sur la paille comme vous venez de le dire justement. Je pourrai c’est vrai faire un scandale et lâcher le morceau mais ça ne m’apporterait rien et je ne pense pas que Papa apprécierait. Je connais votre secret Clémentine mais je n’ai pas l’intention de l’éventer, sauf bien sûr si vous m’y obligez. D’ailleurs, si j’ai bien compris vous cherchez la liberté. Vous mangez la viande crue. Vous voulez croquer la vie à pleines dents ! Et bien, c’est le moment d’agir. Allez voir votre mari et dites lui que vous vous moquez de lui depuis 45 ans. Puisque vous voulez tourner la page, tout recommencer, profitez-en ? Rattrapez le retard et assumez-vous. Cela ne vous tente pas ?
Je vois… Vous critiquez votre vie étriquée, conformiste mais vous ne savez pas nager à contre courant. Voilà, pour être plus terre à terre, on peut dire que vous voulez le beurre et l’argent du beurre. Bien sur, il est plus facile de parler que d’agir. Il vous manque les tripes. Vous n’arrivez pas à la cheville de votre sœur et vous le savez. Vous êtes pitoyable.
Clémentine.- Et vous, impitoyable !
Venez les enfants, il est tard, on rentre à la maison.